L'adolescence : une phase ambivalente de confusion et de construction identitaire

Pour bien des auteurs, la construction de l'identité constitue la tâche centrale de l'adolescence. Plusieurs raisons appuient cette idée. Tout d'abord, l'adolescence est certainement la période durant laquelle les changements de tout ordre sont le plus violemment ressentis par l'individu ; or comme l'a défini Palmonari [1987], l'identité est précisément cette "exigence que tout individu a de se sentir le même, bien qu'il traverse des expériences de différents types (social et relationnel, introspectif et d'autoévaluation de son propre comportement) qui lui donnent le sentiment d'être perpétuellement différent." D'autre part, l'adolescence est aussi cette période de la libération de l'autorité parentale où l'individu va devenir quelqu'un aux yeux des autres. Enfin, il devra se distinguer en quittant la scolarité obligatoire et en choisissant une voie grâce a laquelle il va pouvoir se différencier des autres.

Dans sa quête identitaire, l'adolescent va donc tenter de se positionner sur un plan personnel et social.

Définie par Erikson dans son livre " Identity : youth and crisis " [1968], l'adolescence est un des stades obligatoires du développement de l'individu pour passer de l'enfant à l'âge adulte. Malgré une place prépondérante et cruciale (pour préparer l'individu au monde de l'adulte), elle est aussi indissociable des autres stades et s'intègre dans une perspective complète de vie. La formation de l'identité est, en effet, un processus long où chaque étape franchie annonce la suivante.

Erikson compte huit étapes d'inégales longueurs dans la vie d'un individu. On peut avec Cloutier [1996] résumer chacune de ces étapes avant la période de l'adolescence.

Le premier stade s'étend sur les deux premières années de l'enfant. C'est celui de la reconnaissance mutuelle, où vont s'opposer méfiance et confiance. Cette période de petite enfance correspond au stade oral Freudien. Le contact avec le monde se fait par la bouche et le bébé doit faire preuve de confiance pour s'ouvrir au monde. Le deuxième stade correspond à l'autonomie, à la volonté d'être soi-même. Cette période équivalente au stade anal de Freud s'étend de la deuxième à la troisième année. Au cours de cette période, l'enfant acquiert la conviction d'être une personne qui peut s'affirmer en disant " oui " ou " non ".
De 4 à 5 ans, c'est le stade de l'initiative, où l'enfant, par sa maîtrise du langage et de la motricité favorise son développement et son sens de l'initiative. Cette période est celle du stade phallique de Freud.
Le quatrième stade de la sixième à la onzième année est celui de la compétence pour Erikson et de la période de latence pour Freud. Ce stade est consacré à l'apprentissage où le jeune s'intéresse à tout ce qui peut l'aider à devenir quelqu'un.

Le cinquième est celui auquel on s'intéresse particulièrement, celui de l'adolescence qui s'étend de 12 à 18 ans.

Toutes ces phases se terminent par le dénouement plus ou moins heureux de ce qu'Erikson a appelé " une crise ". Le terme de crise, reprit par Marcelli et Braconnier [1999], indique une période non pas de conflit, de catastrophe ou d'urgence mais " un moment temporaire de déséquilibre et de substitutions rapides remettant en cause l'équilibre normal du sujet ".

C'est déjà un progrès que le mot " crise " n'évoque plus l'idée d'une catastrophe imminente, ce qui, à un moment donné, a paru à s'opposer à la juste compréhension du terme. Il est devenu aujourd'hui un synonyme de tournant nécessaire, de moment crucial dans le développement lorsque l'individu doit choisir entre des voies parmi lesquelles toutes les ressources de croissance, de rétablissement et de différenciation ultérieure [Erikson,1968].

Prenant en compte ces aspects psychosociaux, Erikson appréhende ainsi la crise de l'adolescence comme une période active et bénéfique pour l'adolescent pendant laquelle il construit son identité par interaction dialectique entre l'identité personnelle, ensemble de sentiments ou représentations se rapportant à l'individu, et l'identité sociale, interactions avec les autres. Cette période de tension entre tendances contradictoires est génératrice de croissance pour l'individu.

Entre 12 et 18 ans, l'adolescent se trouve face à une confusion d'identité qui se caractérise par des troubles qui peuvent se traduire par l'incapacité de s'engager avec les autres dans quelles qu'activités que se soient, d'établir une intimité avec les autres et de s'investir dans la vie sociale.

Cette crise identitaire est donc le temps de recherche et d'introspection nécessaire à l'adolescent pour construire son identité personnelle et en ressortir unifié. A la fin de celle-ci, le jeune doit donc ressentir une continuité progressive entre ce qu'il est devenu au cours de l'enfance et ce qu'il pense devenir dans le futur ; entre ce qu'il pense être et ce qu'il sait que les autres perçoivent et attendent de lui. C'est ce qu'Erikson appelle le sentiment d'identité intérieure.

Cette crise plus ou moins longue dépend de chaque individu. Elle dépend aussi de l'environnement dans lequel le sujet se trouve. En effet, pour établir son identité personnelle, l'individu se doit de répondre à plusieurs questions comme : Qui je suis ? D'où je viens ? Où je vais ? Lui seul peut répondre à ces questions. Mais il peut y être aidé si, dans son environnement, il existe des repères externes qui lui permettent d'y répondre tels que les membres de sa famille et ses amis.

Ces repères, de diverses natures, comptent parmi eux les possessions de l'individu. En effet, selon Erikson, les adolescents se cherchent en accumulant et en sélectionnant des objets qui seront d'une grande aide dans cette quête identitaire.

 


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